Le prêt

Comment convaincre les banques

Tout d’abord, il est important d’expliquer qui nous sommes et quelle était notre situation professionnelle à l’époque de notre recherche de prêt.

Notre dossier

Benjamin est français, journaliste indépendant depuis plus de 20 ans. Pauline est belge, diplômée en commerce extérieur et développement durable. Elle est aussi indépendante depuis 6 ans. Elle essaye de créer un nouveau métier de ‘conseillère’ en écologie/zéro déchet. Après s’être rencontrés à Bruxelles en 2009, nous sommes partis vivre en Californie en 2011, nous y sommes restés 5 ans. Nous étions tous les deux indépendants. Nous sommes rentrés en France l’été passé (2016) avec le projet du Earthship bien en tête. Nous avons décidé de revenir s’installer en Dordogne car cette région semblait offrir les meilleures conditions pour la réalisation de notre projet (terrain pas cher, ouvert sur l’écologie, pas de règles d’urbanisme strictes, potentiel touristique).

Ben travaillait pour des clients FR depuis les USA donc il a pu garder la majorité de ses clients en revenant en France. Pauline n’avait plus de visa depuis un an donc devait relancer une nouvelle activité (= pas de revenu). Nous sommes donc rentrés en France avec un salaire d’indépendant et pas de fiche d’impôts française. Convaincre les banques n’allait pas être facile. Nous avons donc préparé un dossier et une lettre pour expliquer qui nous sommes, comment nous vivions et quelle était notre démarche au travers de ce projet. L’idée était de montrer que nous n’avions peut-être pas le meilleur dossier mais qu’en vivant simplement, nous avions appris à vivre mieux sans retour en arrière possible: nous ne rentrerions pas dans le le cycle de dépenses typique des propriétaires classiques. On a aussi pu mettre beaucoup d’argent de côté durant toutes ces années, ce qui nous a permis de mettre 60 000 euros comme apport. Auxquels se sont ajoutés 30 000 de prêt de notre famille.

Banques alternatives

Persuadés que les banques traditionnelles ne considèreraient même pas notre demande, nous avons cherché à contacter les banques ‘alternatives’. La Nef avec qui nous avions déjà eu quelques rendez-vous nous a expliqué qu’elle ne faisait plus de prêt aux particuliers. Il nous restait le Crédit Coopératif. Nous avons ouvert tous nos comptes là-bas et avons commencé le montage du dossier de demande de prêt avec une conseillère qui ne semblait pas maîtriser la décision, mais qui nous aiderait à préparer le dossier et l’envoyer à Paris devant la commission d’obtention de prêt. Nous avons évidemment bien fait comprendre que vu la particularité du projet, ce serait mieux qu’on leur présente le projet directement mais il fallait suivre le protocole. 

Nous avons remis le dossier fin septembre 2016, il était composé de:

– le détail de notre situation financière (relevés de comptes, relevés fiscaux USA, dernières factures et fiches de paie,…)

– la lettre de présentation de notre situation personnelle, notre façon de vivre (moins de dépense, pas de crédit, vie simple, vision d’autonomie)

– une lettre d’Earthship expliquant le sérieux du projet

– une lettre du maire de Biras (où l’on avait déjà des vues sur le terrain) expliquant qu’il soutiendrait le projet

– des lettres des clients de Benjamin expliquant leur relation de confiance et garantissant ses revenus.

– une explication détaillée du projet et des Earthship.

En Novembre 2016, nous avons reçu un email énonçant, je cite “nous regrettons de ne pas pouvoir vous suivre dans votre projet”, sans explication supplémentaire. Nous avons demandé plus de détails sur ce refus et nous n’avons reçu aucune explication. Nous ne savons donc pas si c’était un problème avec le projet, notre situation financière ou professionnelle. C’était très frustrant. Nous avons été extrêmement déçu de leur réaction, surtout au vu de  leur discours de banque alternative.

Nous avons été voir un courtier sans grande conviction qui nous a annoncé le lendemain qu’aucune banque ne suivrait ce type de projet (seules trois banques sont ouvertes au financement des auto constructions). Dans ce cas-ci, le manque d’historique de revenus en France semblait être le souci.

Nous avons donc décidé de nous tourner vers le financement privé. Nous avons créé une présentation Prezi qui expliquait le projet et qui nous étions. Nous avons d’abord cherché à contacter des organisations et des start-up de prêt participatif. On nous a vite expliqué que la loi française n’autorisait pas le prêt participatif aux personnes privées (seulement aux entreprises). Nous nous sommes donc tourné vers nos connaissances (susceptibles de connaître des gens qui avaient de l’argent) et nous avons fait tourné la présentation, sans retour positif.

Le débloquement

Une ou deux semaines plus tard, une connaissance nous a proposés de rencontrer la directrice de l’agence Crédit Agricole de Périgueux (ville où nous habitons). Sans trop y croire, nous sommes allés la rencontrer. A notre grande surprise, elle avait l’air de bien saisir le projet et comprendre non seulement l’intérêt écologique mais aussi l’intérêt pour  la région et bien sûr l’image de sa banque. Elle nous a expliqués que l’argent restait local et que c’était donc sa décision d’accorder le prêt ou non. Elle a fait un rapide calcul de notre situation financière (en incluant uniquement le salaire moyen de Benjamin) et nous a donné la liste des documents à montrer pour que le prêt soit accepté. La règle des 30% reste alors d’application (on ne peut rembourser plus que 30% des revenus pris en compte).

Le plus gros point à régler était le contrat de construction entre EB et nous. Nous avons essayé de trouver une solution à ce problème (faire un contrat avec EB (difficile car entreprise US) ou trouver une entreprise intermédiaire française avec qui on signerait le contrat (difficile car personne ne veut s’engager pour une autre entreprise et ça augmentait les coûts de 20% (TVA)). Après quelques discussions avec la banque, on a décidé de prendre le prêt sous le statut d’auto constructeur avec EB comme assistant au maître d’ouvrage. Ce qui a résolu le problème. La banque nous a donc finalement fait une offre de prêt (pas le meilleur taux mais nous n’étions pas en position de négocier…). Nous n’avons pas eu droit au prêt à taux zéro.

Nous avons pu signer alors l’achat du terrain et commencer le rassemblement des devis nécessaires pour clôturer le prêt et le signer.

Les leçons

Construire un bon dossier et ne pas hésiter à jouer sur l’affectif. Il faut que la banque comprenne que c’est plus qu’un prêt mais soutenir une alternative. Il faut qu’elle comprenne qu’il y a un intérêt pour elle aussi. Créer une relation avec elle. On lui a clairement dit (et on le pense) qu’on cherchait un partenaire, pas juste un financement.

Trouver le bon interlocuteur qui a un réel pouvoir de décision.

Essayer toutes les pistes.

Montrer qu’on a un soutien sérieux des autorités (mairie, communauté de commune, voisinage…)

Nec piget dicere avide magis hanc insulam populum Romanum invasisse quam iuste. Ptolomaeo enim rege foederato nobis et socio ob aerarii nostri angustias iusso sine ulla culpa proscribi ideoque hausto veneno voluntaria morte deleto et tributaria facta est et velut hostiles eius exuviae classi inpositae in urbem advectae sunt per Catonem, nunc repetetur ordo gestorum.

Le permis

Avant de trouver un architecte pour nous aider à constituer le dossier de demande de permis, notamment parce que les plans achetés à Earthship Biotecture ne répondent absolument pas aux documents nécessaires à pourvoir, la première étape est de prendre contact avec le Service d’urbanisme mutualisé de la communauté de communes. Le 1er février, nous présentons le projet à l’instructeur avant, dans la foulée de lui faire parvenir par mail le plan de masse et quelques photos du terrain. Il nous remercie et nous informe qu’il les transmet immédiatement au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) du département, à Périgueux. Visiblement, le rendez-vous avec le CAUE relève donc du passage obligatoire.

Nous nous y plions la semaine suivante, accompagnés de l’instructeur. Sa présence ce jour-là dans la belle et grande salle de réunion du CAUE, qui a tout de même mobilisé cinq employés pour l’occasion, symbolise sa complicité affective avec « la maison en pneus ».
Pour nous, c’est déjà une victoire. Celle d’une stratégie décidée naturellement dès nos premières semaines en France : en étant honnêtes, souriants et bienveillants, impliquer au maximum tous les acteurs sans craindre de bousculer les habitudes tacites des modes de fonctionnement. Partir du principe, aussi candide qu’un personnage de Voltaire, que nos énergies et notre enthousiasme sont communicatifs. Cette démarche de coconstruction a parfaitement fonctionné avec le Service d’urbanisme. Il n’aura fallu qu’un seul rendez-vous d’une heure dans leurs locaux de Verteillac pour embarquer tous les instructeurs dans un projet qui est devenu un peu le leur.

Chose promise, chose due, dès réception du premier plan dessiné par Sylvie, l’architecte bienfaitrice qui a accepté de se coltiner tous les documents, nous retournons à Verteillac. Objectif ? Officialiser concrètement le cadre de cette collaboration très horizontale et prendre le pouls de l’appétence des instructeurs pour ce modus operandi novateur.

Un mois plus tard, le 28 février nous remettons à la mairie de Biras la demande complète de dépôt après avoir soumis une dernière pièce à validation en amont. Sept jours après réception de la demande, le 16 mars, le Service d’urbanisme nous accorde le permis. Sept jours, pas un de plus.
Impensable il y a un an, lorsque nos esgourdes d’expatriés étaient trop grandes ouvertes aux pronostics pessimistes péremptoires : non, l’administration n’est pas forcément un adversaire semeur d’embûches, elle peut aussi être un partenaire aidant. À condition de jouer ses règles en donnant le sentiment à celles et ceux qui incarnent son autorité que vous leur faites confiance. Pour le meilleur et pour le pire. Avec l’approbation des autorités compétentes acquise avant la date butoir du 31 mars, la tenue sur notre chantier de la première académie européenne d’Earthship Biotecture devient une réalité.