Dans notre vision pré-Earthship, ce qui nous a séduit, c’est l’idée que cette maison puisse nous apporter un confort similaire à celui d’une maison classique, tout en respectant les ressources naturelles et en vivant en accord avec la nature. Pas contre elle. Aujourd’hui, notre discours a bien évolué avec l’expérience de l’autonomie. Non, nous n’avons pas exactement le même confort. Il est différent. Pour nous, il est même bien plus élevé. Pourquoi ? Réponse en deux prépositions. 

AVANT, nous étions dépendants des systèmes. Besoin ou envie d’un appareil qui fonctionne à l’électricité ? On appuie sur un bouton et, ô magie, ça marche. Le procédé semble sans limite alors même que nous ne savons ni le comment ni le pourquoi du fonctionnement. Quand la promesse n’est pas tenue, face au bug, on est souvent démunis. Parce qu’on ne sait pas quoi faire. Nous, avant, nous savions juste que nous payions (très) cher pour ces services, que ce soit la facture d’électricité ou les éventuelles réparations. L’impact de chacune de nos consommations est tellement intangible que face à la culpabilité que l’on peut ressentir, l’attraction naturelle pour le sans limite du tout pratique est plus forte.

Aujourd’hui, c’est cette culpabilité qui ressurgit lorsque nous sommes en dehors de la maison, chez des amis ou de la famille. L’utilisation de toutes ces facilités du quotidien, impliquant nécessairement une consommation « sale », nous redevient accessibles.

APRÈS, nous sommes limités par ce que la nature nous offre. En hiver, on sait que seul le soleil – à travers la serre et la masse thermique – peut nous donner de la chaleur. En été, on sait que seules les quelques grosses pluies estivales peuvent remplir les citernes. On sait aussi que même si la nature nous permet de nous chauffer, d’avoir de l’énergie et de l’eau, nous sommes quand même dépendants de quelques outils : pompes, onduleur, chauffe-eau solaire… Leur utilisation est la plus simple possible pour limiter la dépendance à la technologie et faciliter l’autoréparation. Mais surtout, une option – moins efficace – nous permet tout de même d’avoir accès aux ressources basiques : la plomberie est installée en pente pour que l’eau puisse couler (légèrement) même lorsque la pompe ne fonctionne pas ; il y a deux arrivées d’eau de citernes différentes au cas où l’une d’elle défaille ; les lumières de la serre et les pompes fonctionnent en DC au cas où l’onduleur ferme le système pour le protéger… La dépendance à ces quelques outils est donc moins forte et angoissante puisque déjà on les comprend. On peut les réparer ou en changer la plupart nous-mêmes, à moindre coût. Et si jamais nous étions bloqués pour un problème beaucoup plus grave, nos besoins basiques (accès à l’eau, chaleur ou fraîcheur, nourriture) restent assurés, même dans un moindre confort.

Ce sentiment-là, au-delà de nous rassurer, nous procure une force et une confiance inégalables en notre habitat. C’est très difficile à décrire. Nous nous sentons en sécurité. Face à un monde qui perd ses ressources à vitesse grand V,  où consommer normalement en respectant pleinement ses valeurs est impossible, face à un monde qui nous amène toujours à trouver le moins pire, à chercher le juste milieu entre responsabilité, culpabilité, moyens financiers et confort. Ce monde-là, le Earthship permet de nous en écarter. De le regarder de plus loin avec un sourire en coin malicieux.

Nous comprenons nos ressources. Nous les exploitons au maximum en les altérant au minimum. Nous les analysons. Nous les prévoyons. Nous leur en sommes tellement reconnaissants sans jamais rien prendre pour acquis.  Nous renouons avec une sensation de vivre organiquement, avec ce que la nature nous offre. Lundi, c’est soleil ? On fait tourner les machines. Mardi, c’est pluie ? On remplit les citernes pour prendre une douche plus longue ou nettoyer les vitres au karcher. Un dîner entre amis de prévu ? On regarde les prévisions pour savoir si nous pourrons utiliser le lave-vaisselle. Pour beaucoup, ce mode de vie peut paraître contraignant et limitant. Mais pour nous, c’est celui de l’indépendance à un système destructeur qui nous empêche de profiter pleinement de nos ressources. Question de prisme.

Au niveau financier, l’avantage le plus évident vous l’aurez deviné : aucune facture à payer, si ce n’est trois bouteilles de gaz par an pour cuisiner et compléter le chauffe-eau solaire en hiver. Aucun abonnement à assumer. Il aurait été plus rentable de revendre nos surplus au réseau, mais vivre en autonomie, c’est justement se couper des réseaux pour se concentrer sur nos besoins et impacts directs. Contrôler et jouer avec les ressources pour y trouver le plus grand des conforts : la liberté.

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